Making light of every thing

28.02 — 28.04.2024

Avec Akosua Viktoria Adu-Sanyah, Jessica Backhaus, Emma Bedos, Mathieu Bernard-Reymond, Sara De Brito Faustino, Charlie Engman, Alina Frieske, Peter Hauser, Moritz Jekat, Leigh Merrill, Taiyo Onorato & Nico Krebs, Martin Widmer

Commissariat : Claus Gunti & Danae Panchaud

Textes de salle : télécharger ici

Image : © Peter Hauser

L’intime est une notion souvent difficile à définir, intangible et insaisissable. Il peut se situer dans un souvenir d’enfance, à l’intérieur de sa maison ou de son quartier, dans les gestes échangés avec ses proches, dans la familiarité d’une image, ou encore dans l’attachement à un objet, à une matière, ou à une texture.

Sans montrer directement des situations immédiatement identifiables comme intimes, comment la photographie peut-elle exprimer un rapport à ce sentiment, son caractère fugace et impalpable? Comment peut-elle mettre en image les rapports à la mémoire, forcément faillible, les liens souvent complexes et changeants aux personnes chères, ou encore la relation à un chez-soi dont la familiarité peut tourner à l’étrange à tout moment?

Si l’image fabriquée ou manipulée est souvent associée au détournement de l’opinion publique ou à la représentation d’univers fictionnels, elle est ici explorée pour son potentiel à révéler notre subjectivité, notre rapport aux choses. Comment pouvons-nous raconter nos souvenirs, traduire le lien à des êtres aimés ou rendre tangible notre sensibilité?

Par des processus élaborés de manipulation d’image, les artistes réuni·es dans cette exposition permettent de rendre visible, de saisir ou de fixer une forme d’intimité, de l’expression la plus personnelle d’une émotion à l’interprétation machinique des rapports humains. Qu’elles soient fabriquées à l’aide de papiers colorés, générées par intelligence artificielle, créées entièrement dans le laboratoire photographique ou résultant d’un photomontage minutieux, les images réunies pour cette exposition traduisent l’expérimentation opiniâtre de leur auteur, traduisant des émotions tant frivoles qu’écrasantes. Leur caractère explicitement fabriqué – sans qu’une hiérarchie ne soit faite ici entre le papier découpé et les outils les plus sophistiqués de génération d’images – met en avant la dimension parfois étrange de ce qui nous est le plus familier. Par leurs processus exploratoires, leur architecture complexe, les artistes rendent sensible les mécanismes complexes d’appréhension du monde, témoignant de manière subtile et délicate de la manifestation de nos subjectivités individuelles.

Les travaux d’Akosua Viktoria Adu-Sanyah, Mathieu Bernard-Reymond et Sara De Brito Faustino investiguent les liens entre les images fabriquées et la mémoire. Adu-Sanyah et Bernard-Reymond utilisent des intelligences artificielles pour recréer des souvenirs ou les visualiser, prêtant une attention particulière à la matérialité des images qui en résultent, alors que De Brito Faustino reconstitue les lieux de son enfance en maquette qu’elle rephotographie. Leurs œuvres mettent en lumière le caractère marquant, mais aussi parfois faillible, étrange et reconstruit, des souvenirs.

Emma Bedos, Alina Frieske et Moritz Jekat ont recours à des technologies visuelles comme la photogrammétrie, le photomontage et le jeu vidéo, afin d’investiguer des liens intimes, familiaux et amoureux. Les lieux associés à une relation amoureuse, la distance géographique avec ses proches et les interfaces digitales permettant d’y pallier, ou encore les circulations privées et publiques d’images personnelles, sont abordés dans des projets où l’image prend des formes expérimentales et inattendues.

Leigh Merrill, le duo Taiyo Onorato & Nico Krebs, et Martin Widmer partagent une approche de l’espace, minutieusement construit et reconstruit au moyen de différentes techniques de collage et de superposition. Onorato & Krebs comme Widmer mènent un travail autoréflexif en utilisant leurs propres images comme point de départ, alors que Merrill refaçonne par collage des espaces urbains familiers.

L’intime se manifeste ainsi chez certains des artistes de l’exposition dans un rapport très fort avec leur propre production. Chez Jessica Backhaus et Peter Hauser, le lien à la fabrication même de l’image par des procédés analogiques — le travail avec des papiers colorés pour Backhaus et dans le laboratoire analogique pour Hauser — reflète une intimité de la pratique même, une expérimentation délicate avec des formes, des textures et des matériaux. Enfin, chez Charlie Engman, une forme de vulnérabilité émerge des expérimentations visuelles réalisées avec l’intelligence artificielle et de leur échec à reproduire des représentations de l’intimité corporelle, en particulier le hug, et résonne étrangement avec des photographies personnelles.


Vue d'exposition